« Le baron d’Itajuba, chargé d’affaires au Brésil m’a fait parvenir la lettre que votre Majesté, a bien voulu m’écrire. Votre Majesté a la bonté de me parler de mes études sur la rage. Elles sont assez avancées et je les poursuis sans interruption… Je n’ai rien osé tenter jusqu’ici sur l’homme, malgré ma confiance dans le résultat et malgré les occasions nombreuses qui m’ont été offertes depuis ma dernière lecture à l’Académie des sciences.
C’est ici que pourrait intervenir la haute et puissante initiative d’un chef d’État pour le plus grand bien de l’humanité. Si j’étais roi ou empereur ou même Président de la République, voici comment j’exercerais le droit de grâce sur les condamnés à mort. J’offrirais à l’avocat du condamné, la veille de l’exécution de ce dernier, de choisir entre une mort imminente et une expérience qui consisterait dans des inoculations de la rage pour amener la constitution du sujet à être réfractaire à la rage. Moyennant ces épreuves, la vie du condamné serait sauve… Tous les condamnés accepteraient. Les condamnés à mort n’appréhendent que la mort.
Ceci m’amène au choléra dont Votre Majesté a également la bonté de m’entretenir… On devrait pouvoir essayer de communiquer le choléra à des condamnés à mort. Dès que la maladie serait déclarée, on éprouverait des remèdes qui sont considérés comme les plus efficaces, du moins en apparence.
J’attache tant d’importance à ces mesures qui si Votre Majesté partageait mes vues, malgré mon âge et mon état de santé, je me rendrais volontiers à Rio de Janeiro pour me livrer à de telles études de prophylaxie de la rage et du choléra et des remèdes à lui appliquer.
Je suis avec un profond respect, de Votre Majesté, le très humble et très obéissant serviteur. »
Louis Pasteur