Le péché originel, mythe chrétien, n’est qu’une interprétation tronquée et inversée d’enseignements féminins protohistoriques. Le fruit défendu de la connaissance n’est autre que la voie de la théocratie féminine qui consiste à forger un couple mythique civilisateur. De l’union spirituelle et sexuelle de ce couple, connecté aux mondes célestes, naîtra une lignée d’enfants divins. Ce mythe fondateur protohistorique est présent dans toutes les cultures et en particulier en Chine avec Nüwa et Fuxi représentés ci-dessous.
Naissance de Zeus
A sa naissance, Zeus était entouré par un groupe de prêtresses protectrices appelées « nymphes de la montagne ». Leur dénomination varie selon les textes. En latin, on les nomme Oreàdes. Elles forment « une guilde de la montagne de la déesse Rhéa ». Cette guilde religieuse (thíasos) était composée de trois prêtresses. Il s’agissait d’une triade de trois soeurs qui étaient les trois tantes (theía) de Zeus. La montagne de la déesse Rhéa était le lieu de naissance de Zeus, où était son berceau fabriqué en natte de joncs tressés. C’est ce que révèlent les différentes étymologies grecques des noms qui leur étaient attribués.
Les Hamadryades
Les nourrices de Zeus étaient les hamadryades (pluriel grec : hamadruádes = ama-dryade = triade des mères nourricières). Dans l’iconographie, le bas de leur corps pouvait être serpentiforme. On le représentait enroulé autour d’un arbre. Le médecin grec Galien (129-201), originaire de Pergame en Asie Mineure, y fait référence dans son traité « sur la thériaque à Pison ». Il y commente le poème d’Andromaque qui était le principal médecin de Néron. C’est là qu’il donna une nouvelle composition pour cette thériaque (theriaké = antidote contre les morsures venimeuses) prévue pour lutter contre toutes sortes de poisons, dont le venin des serpents. L’antidote était préparée pour les empereurs romains.
Le serpent détesté
Dans son traité, Galien évoque « le serpent détesté de la dryade » qu’il compare à un serpent saignant. Il s’agit en fait de l’énergie subtile et tiède de Sophia qui s’élève dans le tronc vertébral de la femme identifiée à l’arbre. Dans le poème, elle est confondue avec la fièvre physique qui assèche le corps. L’antidote conçu à base de plantes était donc aussi prévu pour vaincre magiquement cette activation vertébrale générée par les prêtresses ou hamadryades. Considérée comme un poison subtil par Galien, il fallait s’en débarrasser.
Certaines femmes éveillées pouvaient effectivement projeter sur des hommes obscurcis cette activation énergétique, afin de forcer leur purification subtile. Ce texte nous apprend que les empereurs romains cherchaient à s’en protéger car ils préféraient l’infestation subtile qui leur garantissait le pouvoir sur autrui, à défaut d’obtenir le pouvoir sur eux-mêmes. De manière inversée, la chaleur purificatrice évolutive des hamadryades était considérée comme le poison de la théocratie féminine qu’il fallait éradiquer.
Le jardin d’Eden
La figure ci-dessus nous montre une dryade enroulée sur son arbre. C’est une fresque de Michel-Ange représentée sur le plafond de la Chapelle Sixtine dans le palais du Vatican. La composition montre trois personnages pour indiquer la triade originelle. Elle est indiquée par un triangle rectangle, qui rejoint les yeux centraux des trois personnages, en référence à Pythagore de Samos. C’est un symbole de perfection. La dryade représente l’unité par rapport à la dualité père/mère. La direction des regards du père Adam et de la mère Eve indiquent qu’ils tendent vers cette unité. Eve qui est assise au pied d’Adam est détournée de son occupation par la dryade aux jambes serpentiformes qui lui tend une paire de figues. Elle détient l’enseignement féminin du serpent Sophia. Son corps montre que les énergies masculine et féminine doivent s’enrouler autour du tronc pour produire l’élévation spirituelle. Les jambes gauche et droite de la dryade symbolisent les canaux subtils gauche et droit, l’arbre symbolise le canal subtil central. Adam et Eve reçoivent ainsi l’enseignement spirituelle de l’hamadryade.
L’arbre de la connaissance
Le tronc des arbres a été identifié au serpent à cause des fibres serpentiformes de son écorce. Le serpent représente aussi la connaissance et le mécanisme de la pensée. Dans la langue française, on remarque que les mots serpent (ser-pen) et penser (pen-ser) sont des inversions syllabiques homophoniques car la pensée est une succession d’idées reliées par la compréhension. Selon l’expression courante, une pensée claire coule de source. La pensée est donc aussi reliée à l’écoulement représenté par le corps du serpent. De même, la compréhension est constituée par un rassemblement d’idées. En purifiant le serpent énergétique vertébral qui est le tronc, on clarifie les compréhensions intellectuelle et spirituelle qui en sont le fruit. C’est cette signification, cet enseignement originel qui est représenté symboliquement dans la fresque peinte par Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine.
La compréhension sacrée
Cette signification secrète, transmise par le mythe et représentée dans l’iconographie, a été conservée en grec ancien. L’écorce d’un arbre est constituée de fibres serpentiformes qui représentent les pensées. La compréhension des mots sacrés est le résultat d’un processus intellectuel qui s’effectue en deux étapes. La première étape est l’examen des différentes significations. La seconde étape est le choix entre ces significations qui permet de distinguer le sens sacré figuré. Ce sens figuré est plus élevé que le sens commun. Ainsi présenté, c’est un sens qui coule de source. Les grammairiens antiques déconcaténaient les formes contractées des mots et des noms de dieux et déesses pour en extraire le sens et les enseignement cachés.
Athénée de Naucratis
C’est le grammairien grec du IIe siècle, Athénée de Naucratis qui nous a transmis la légende des hamadryades. Le nom Athénée a certainement été choisi par ses parents en l’honneur de la déesse Athéna, à moins qu’il ne se soit agi tout simplement de la tradition religieuse de sa famille. La tradition que rapporte Athénée se trouve dans « Le banquet des sophistes », la seule de ses œuvres qui nous soit parvenu.
Au chapitre V du livre III, il nous transmet le nom des arbres sacrés identifiés aux dryades :
« Oxyle Oxylus (hêtre), fils d’Orius ayant connu sa sœur Amadryas, en eut Karua (noyer), Balano (gland du chêne), Kraneia (caroubier), Moréa (sycomore), Ægire ou Aigeiro (peuplier noir de Crète), Ptéléa (orme), Ampelo (vigne), Sukê (figuier), que l’on appelle les Amadryades (hamadruádas), et dont certains arbres prirent les noms. »
Le caroubier sacré
Dans les temps anciens, certains arbres étaient sacrés parce que les druides et druidesses s’y identifiaient. Le caroubier de Crète en faisait partie. Cet arbre a plusieurs noms en grec ancien qui contiennent chacun un enseignement. Il y a différentes orthographes dérivant les unes des autres : keronia, keraunia, keraúnios, keraúnion, keraunós. Notons que keraunós, en permutant les lettres et en doublant le « n », nous donne kernunóas à savoir le théonyme gaulois Kernunos (Cernunos). En effet, les gousses cornues du caroubier symbolisent la virilité historique du dieu aux bois de cerf. Cette correspondance anagrammatique gréco-gauloise n’est pas le fruit du hasard car la langue initiatique druidique originelle était gréco-gauloise.
© Romuald Skotarek 2024,
Morphéus n° 121, janvier/février 2024