Les druides et druidesses de l’Antiquité portaient un bâton qu’ils ne quittaient jamais. C’était un bâton de commandement (skêptron), insigne de leur pouvoir sacerdotal, de leurs liens avec les mondes célestes. Il fut aussi utilisé par les prêtres et magistrats grecs. On le retrouve avec le sceptre des rois et la crosse des évêques.
L’origine de ce bâton remonte à la révolution agraire du néolithique. Il reproduit la tige de blé identifiée au canal central de l’être humain. Après la moisson, elle devient une paille creuse. Les chaumières des campagnes, ces longues maisons, deviendront les entrepôts où l’on déposera les céréales placées sous la protection de la déesse Cérès. Le mot français céréale vient du théonyme Cérès, déesse latine des moissons et de la fécondité, associée ici au mot halle, homophone de ale. Ainsi, céréale désigne la halle de Cérès. C’est le bâtiment où l’on entrepose le tas des grains de blé après la moisson.
Dans le corps humain, la paille est la colonne vertébrale. Elle recèle un espace vide qui est la halle. Lorsqu’un humain naît, il est comparable à une herbe verte, une verte herbe qui est à l’origine du mot vertèbre (verte-herbe). Ensuite, la petite herbe pousse et devient un arbre dont l’espèce dépend de la religion de son propriétaire. Le hêtre donnera l’être humain. La combinaison du frêne et du chêne donnera french. La combinaison du chêne et du tilleul donnera gentils. La paille donnera le mot païen, etc. L’arbre est le symbole du lien entre la terre et le ciel. En fonction des régions et des époques, différents arbres seront utilisés de manière totémique. Les tribus pratiquant le chêne et le frêne se nommeront les french, les tribus pratiquant le hêtre se nommeront être humain et ainsi de suite…
Les Païens sont donc les agriculteurs qui font pousser le blé. La région où ils cultivent leurs champs est leur pays. Les Païens sont les paysans identifiés au blé qui est leur arbre totémique. Ils pratiquent la religion du blé et de la paille. Le bâton de commandement est donc constitué d’une tige qui est la colonne vertébrale et d’un épi qui est la tête. C’est pourquoi une touffe de cheveux mal placée sur la tête est appelée épi. Symboliquement, la tête est le grain de blé. Le cycle annuel du blé est identifié au cycle de la vie humaine. Lorsque le blé est mort, il retourne au sol et le grain pourrit en terre et se décharne. La tête devient un crâne décharné sur la tige. C’est l’origine des bâtons casse-têtes qui ressemblent aux marottes médiévales des carnavals.
Dans l’ancienne religion romaine, les pratiques du blé étaient transmises dans l’enceinte des temples de Vesta, qui est la forme latine du culte grec de Hestia. Chez les Celtes, il s’agissait plutôt du culte gaulois de Grænus. Dans la religion grecque ancienne, on explique que Hestia était la soeur aînée de Zeus et qu’elle était la déesse du foyer, c’est-à-dire de la maison et du feu. Ceci signifie que la structure socio-politique de l’Europe du sud avant la guerre de Troie était de type matriarcal. La cellule familiale était dirigée par la soeur aînée identifiée à Hestia. En offrandes aux dieux et déesses, les Païens dirigés par Hestia brûlaient la paille et la farine sur les autels. Le Paganisme (lat. pagani = panis–ignea = pain-feu) était la première religion de l’Europe néolithique.
Le paganisme de la théocratie féminine
La figure 1 ci-dessus montre une Vestale à l’autel du feu. On remarque que la prêtresse qui verse l’offrande sur le feu tient un sceptre pyriforme. L’inscription kalós elaion inscrite au niveau de sa tête signifie pure huile. Il s’agit de beurre clarifié, considéré comme suffisamment pur pour être offert au feu. L’huile est versée avec une phiale (fig. 3).
Le terme kalós (bon, beau, pur, précieux) est un mot composé intégrant les termes kaío-kala-hálôs = allumer le feu – bûches – forme ronde de l’aire de battage des céréales, nid de paille, halo. Il s’agit donc de l’acte qui consiste à attiser le feu sacré en ajoutant de la paille pour former un nid de feu, tel le soleil. Il en résulte un halo de feu. Toutes ces significations sont référencées et rassemblées dans ce mot à partir du grec ancien. Kalós signifie aussi corde, qui est le filet d’huile qui coule en forme de corde.
Le second terme de l’inscription elaion (huile), se réfère généralement à l’olive, mais son usage est indifférencié, y compris pour le pétrole déjà connu à l’époque.
Inversion masculine du paganisme
La figure 2 ci-dessus montre deux hommes effectuant un sacrifice sanglant. L’homme debout est le prêtre sacrificateur. L’homme agenouillé est le fidèle qui apporte l’offrande. Il s’agit d’une truie vivante car les défenses, généralement petites pour les femelles sanglier, ne sont pas visibles. La truie est un animal sacré qui représente la déesse. Ce n’est pas un hasard si la réunion des mots truie et déesse donne le mot druidesse (truie-déesse) par homophonie. Ce type de sacrifice sanglant permet d’établir nettement la différence entre la religion pure féminine et la religion dévoyée masculine, issue de la révolution patriarcale. Il s’agit aussi d’une pratique de sorcellerie car la truie, comme la brebis, sont des animaux associés aux prêtresses. Leurs sacrifices, associés aux mauvaises intentions des sacrificateurs, créent et nourrissent des mauvais esprits qui sont des souillures égrégoriques projetées sur les prêtresses. Dans la religion pure et non dévoyée de la théocratie féminine, aucun être vivant ne doit être sacrifié. Seuls des végétaux, du lait, du miel ou de l’huile sont dignes d’offrandes.
Deux scènes contemporaines vers 500 av. J.-C.
La scène représentée sur le vase féminin utilise de légers traits noirs sur fond blanc. La scène représentée sur le vase masculin est orangée sur fond noir. On remarque aussi que la scène représentée sur le vase féminin blanc est entourée d’un méandre sur le haut. Il représente la circulation boréale des constellations de la Petite et de la Grande Ourse, symbole du culte à l’étoile polaire. C’est une manière de signifier symboliquement la sainteté des offrandes d’huile et de paille qui sont agréées par les dieux siégeant au pôle céleste.
Par contre, les offrandes animales des prêtres (sang, viande et graisse), ont remplacé les offrandes des prêtresses (lait, blé et huile). L’autel devient impur du point de vue féminin, et pur, du point de vue masculin. La sorcellerie sanglante remplace l’ancienne tradition originelle. L’inversion est totale, dans les actes physiques comme dans la compréhension intellectuelle et spirituelle. Il s’agit pourtant du même autel utilisé de deux manières différentes.
Si l’on compare ces deux scènes peintes, on s’aperçoit qu’elles sont approximativement contemporaines. Ceci signifie que les deux traditions coexistaient en concurrence pendant la période de transition. L’inversion s’est faite progressivement sous la contrainte de sacrifices de sang.
© R. Skotarek & F. Morin