De même que l’enseignement spirituel architectural de l’Empire Romain d’Occident était christo-odinique, de même celui de l’Empire Romain d’Orient était christo-hellénique. En Occident, la signification secrète cachée derrière le voile chrétien était la métaphysique druido-odinique. En Orient, c’était la métaphysique gréco-osirienne qui avait voyagé jusqu’en Asie Centrale le long de la route de la soie, sur les traces de Dionysos et d’Alexandre le Grand.
Nous disposons de peu d’informations sur la construction de la basilique Sainte-Sophie, qui s’étend du IVe siècle au VIe siècle. Elle sera achevée sous le règne de l’empereur Justinien. Cette époque est marquée par un affrontement violent entre les derniers maîtres du Paganisme et les évêques chrétiens. Pourtant, ce sont ces maîtres persécutés qui lègueront à la postérité leur testament spirituel : la basilique Sainte-Sophie. C’est pourquoi nous devons d’abord expliquer qui était la déesse Sophia, représentée sous forme d’un serpent au sommet des dômes de St Sauveur-in-Chora, qui complètent l’enseignement donné par le dôme de la basilique Sainte-Sophie.
Les philosophes sophistes
Les anciens philosophes pratiquant la philosophie (phílos – sophía = aimé & chéri – déesse de la sagesse et de la science Sophia) étaient, selon leur doctrine originelle, les aimés de la déesse de la sagesse Sophia, pour laquelle ils bâtirent la basilique de Constantinople, réservant le sens secret du premier Christianisme dans son architecture. Le Sophisme était une école philosophique et religieuse.
La secte des Ophites
Sophia (óphis – as = serpent-déesse) était secrètement la déesse serpent féminine des Ophites (ophianoi), qui a donné en français l’office divin, sacralisation du serpent de l’arbre de vie ou arbre de la connaissance. Les Ophites (ophianoi = sophia ànoia = sagesse – folie) étaient les maîtres gnostiques de la « folle sagesse ». Il s’agit de la révélation divine inaccessible au commun des mortels qui la qualifie de folie. Cette école philosophique a été fortement combattue par les docteurs de la foi chrétienne qui l’associaient au Satanisme, selon leurs opinions développées dans les écrits d’Hippolyte de Rome, Irénée de Lyon, Origène d’Alexandrie et Épiphane de Salamine. Curieusement, ánoia est homophone d’anneau en français. Le déroulement des anneaux du serpent qui se dresse conduit donc à la « folle sagesse ». Cette école gnostique a rayonné en Égypte, en Syrie et plus loin encore, selon ce que les textes antiques ont conservé.
Les origines gauloises de Sophia
Sophia (pháos – pháô – phásis – Eos – Sif = lumière – luire briller – apparition d’un astre au-dessus de l’horizon – déesse Eos – déesse Sif) est aussi la déesse de la lumière, celle qui pointe à l’aube, au-dessus de l’horizon comme une étoile. Elle est la première lumière qui éclaire dans la nuit, avant que le jour ne remplisse le ciel. Elle est la déesse grecque de l’aurore Eos, semblable à l’Ostara protogermanique et protoslave. Enfin, elle est l’épouse prophétesse de Thor, l’ásyn Sif aux longs cheveux d’or aussi appelée Sibylle, du nom des prophétesses, suivantes de Cybèle et Apollon, originaires de Pessinonte en Asie Mineure, dans le territoire des Celtes Galates Tectosages. À Byzance, aux environs du Xe siècle, Eos était prononcé Ios, de sorte que les théonymes Eos et Sif se confondent en Sophie, Sophia.
La caractéristique iconographique essentielle de Sif est sa longue chevelure, qui recouvre tout son dos comme une onde lumineuse. C’est une variante de la tresse qui représente le serpent vertébral dont la nature lumineuse est précisée. Le serpent, qui se dresse vers le 3e œil, fait naître une lumière d’abord faible, semblable à une étoile dans la nuit. Ce point lumineux est comme la piqûre du serpent qui perce le voile obscur de l’ignorance. De même que le venin pénètre le corps progressivement, de même en est-il inversement du point lumineux, qui grossit et brille de plus en plus vivement, amenant la naissance progressive d’une parfaite clarté qui remplit d’abord le cerveau, puis s’étend à l’extérieur pour former l’auréole rayonnante qui est le capuchon déployé du cobra royal.
Les cheveux deviennent des rayons de lumière dorée. Ainsi, naît la voyance discriminante qui sépare l’erreur de la vérité. C’est une description très précise du mécanisme subtil de l’illumination produite par la pratique de Sophia. Son résultat est la clairvoyance qui permet de rencontrer réellement la déesse dans son paradis pour recevoir ses enseignements. Les textes sacrés décrivent l’illumination comme un éveil hors du sommeil. L’ignorance est un espace rempli de formes pensées élémentales qui deviennent des créatures se nourrissant de l’énergie cognitive humaine dévoyée. Elles ont leur propre royaume qui n’est pas celui de l’humain mais celui qu’il crée sous leur empire. Elles entravent le passage de la lumière à laquelle elles s’opposent en la souillant. La sagesse de Sophia est un espace claire et vide rempli de lumière vivante et créatrice, hors duquel émergent tous les bienfaits intellectuels de la déesse.
Le serpent dans différents cultes
Le serpent se retrouve dans l’iconographie de plusieurs dieux et déesses grecques : Athéna, Asclépios et Dionysos.
a. Le serpent dans le culte d’Athéna
Athenâ, une autre déesse de la sagesse, cache le serpent derrière son bouclier. Sa ceinture est faite de deux serpents noués. Elle porte des bracelets en forme de serpents aux poignets et aux biceps. Ses attributs sont la chouette, la lance et le bouclier, au milieu duquel se trouve une tête de Gorgone appelée Gorgonéion, réputée éloigner le mauvais sort et les mauvais esprits. Il s’agit de la tête de Méduse.
C’est le sculpteur Phidias Pheidias (óphídion = petit serpent et odoús = dent) qui a réalisé la statue de la Vierge Athéna. Cette statue était considérée comme une image divine, digne de recevoir l’émanation céleste d’Athéna. Le nom Pheidias indique qu’il suivait la voie de réalisation de la dent du serpent. La dent qui est cachée dans le nom du sculpteur Phidias est une référence à la morsure qui produit la piqûre expliquée plus haut. Son nom désigne un pratiquant de Sophia.
b. Le serpent dans le culte d’Asclépios
Asclépios Asklêpiós en Grèce, Esculape Aesculapius à Rome, est une déité de la médecine. Il est le fils d’Apollon et Aegla Coronis dont le nom signifie aigle femelle, couronne, halo solaire ou lunaire, splendeur. L’aigle indique une vue perçante qui porte loin avec un halo qui entoure sa tête. Ceci décrit une prêtresse pratiquante secrète du serpent Sophia et appartenant certainement à l’ordre des Pythies, puisque la naissance d’Asclépios a été prophétisée par la Pythie d’Apollon à Delphes.
Le dieu de la médecine naît à Epidaure, son sanctuaire principal, où se trouve une tholos. Il tient un bâton autour duquel s’enroule le serpent sacré. Il a le pouvoir de guérir les maladies. On pense aujourd’hui que ce serpent est la couleuvre d’Esculape, constrictive et arboricole. C’est-à-dire qu’il s’enroule autour des branches qu’il enserre. Il procède de même avec ses proies, comme son cousin le boa constrictor.
Le bâton tenu par le dieu représente le tronc-colonne vertébrale sur lequel s’enroule le serpent Sophia, qui est aussi le Python Púthôn sacré des pythonisses (latin pythonissa), autre nom des Pythies d’Apollon. Pendant son incarnation terrestre, Asclépios était donc un guérisseur, pratiquant secret de la déesse Sophia, qui lui a donné la connaissance de l’exorcisme médical. C’est par le pouvoir du serpent, développé à l’intérieur de son corps, qu’il perçoit la maladie par clairvoyance, comme une infestation subtile. Il la dissout, en dirigeant cette force sur l’organe atteint, comme le faisait la déesse Sif. Cette médecine spirituelle s’accompagnait de médicaments rendus efficaces par ce dégagement initial. Les patients guéris ont déposé dans ses temples de nombreux ex-voto qui en témoignent.
c. Le serpent dans le culte de Dionysos
Il existe une autre étymologie pour Ophite (ophítês – theós – phytón = semblable à un serpent – dieu – végétal ou bourgeon qui pousse) qui signifie alors une plante divinisée poussant comme un serpent. C’est la définition d’une plante grimpante dont le lierre donne un bon exemple. Il grimpe sur le tronc de l’arbre qui lui sert de support et monte ainsi jusqu’à son sommet. Dans la Grèce antique, on l’utilisait pour faire des couronnes. C’était l’ornement de Dionysos dont le sens est désormais limpide. Le lierre qui reste toujours vert symbolise l’accès au hauts pouvoirs psychiques représentés par la couronne. C’est aussi le sceptre thyrse thýrsos dionysiaque ou bâton de Dionysos orné de feuilles de lierre. Il possède le même sens.
d. Le serpent en Égypte
En Égypte, le serpent est abondamment représenté sur la hiéroglyphique des temples. Il se nomme uraeus et représente un cobra femelle royal qui est la déesse Ouadjet, particulièrement pratiquée dans le nord du delta du Nil, à Bouto Boutô, homophone de Puto Putho, ancien nom de Delphes et siège des Pythies. Ceci signifie que les Pythies avaient développé le pouvoir du serpent Python, Puthon duquel elles tiraient leur don de prophétie. Le cobra royal est le naja appelé en Inde naga car le son « g » peut être dur ou mou. Par anagramme, on obtient ajna qui est le nom sanscrit du 3e œil. Or, le serpent uraeus est toujours posé sur cet endroit dans la statuaire égyptienne, pour indiquer les pouvoirs psychiques des initiés qui pratiquent le serpent.
Les maîtres anciens prétendaient, à juste titre, que la déesse Ouadjet était protectrice des pharaons, c’est-à-dire des initiés ayant reçu des dieux les pouvoirs psychiques et étant autorisés à les utiliser pour le bien des êtres. Le serpent est aussi Apophis Ápophis (Sophia – paîs = déesse de la sagesse Sophia – enfant) associé au chaos car il représente le serpent astrologique des douze constellations enfantant une incarnation terrestre. Il s’agit d’un acte de pure sagesse car cette incarnation résulte des actions de la vie passée, qui correspondent à la partie matérielle et non purifiée du serpent de la connaissance. Seule la déesse Sophia qui connaît la destinée de chacun peut programmer astrologiquement une incarnation.
e. Le serpent en Inde et au Tibet
Dans le Bouddhisme tibétain, la déesse de la sagesse est appelée Prajñaparamita (prajña-paramita = sagesse-perfection) pour signifier la perfection de la sagesse. Elle est la parèdre de la déité masculine de la sagesse Manjushri, qui représente le pratiquant recherchant la sagesse justement octroyée par Prajñaparamita. Dans le nom sanscrit de la déesse, paramita (perfection) est un qualificatif destiné à l’honorer. Plus simplement, la déesse bouddhiste Prajna prajña est donc équivalente à la déesse grecque Sophia. Quelle est cette sagesse appelée prajna recouverte par des siècles d’exégèses ? Prajna est la sagesse qui naît de la concentration du souffle vital à l’endroit du 3e œil. On observe que les consonnes « g » et « j » permutent dans les translitérations phonétiques, ce qui nous amène à agna masculin et agni féminin. À l’origine, le dieu indien du feu Agni était donc féminin et il a été masculinisé, de même que le 3e œil. Ces étymologies décrivent la déesse serpent émergeant au niveau du 3e œil de la prêtresse comme un souffle chaud qui brûle les impuretés, libérant de ce fait la clairvoyance et la sagesse. Les najas sont abondamment représentés dans la statuaire bouddhiste du Cambodge car le bouddha est descendu du ciel sur un arc-en-ciel dont les rampes étaient deux najas, mâle et femelle, ceci pour indiquer l’union des deux serpents arc-en-ciel de sexes opposés.
Romuald Skotarek (suite dans le n°110)
Morphéus n°109, janvier 2022