Le Stoïcisme est une école de philosophie hellénistique fondée à Athènes vers 300 av. J.-C. On peut dire que tous les successeurs d’Alexandre le Grand furent stoïciens. Le Stoïcisme a prospéré dans la Grèce antique et la Rome antique jusqu’au IIIe siècle après J.-C. Les Stoïciens considéraient que la pratique de la vertu raisonnée est suffisante pour atteindre un calme mental (stabilité sereine) menant à une vie bien vécue. Le chemin de l’éthique intérieure se construit en pratiquant quatre vertus : sagesse, courage, tempérance et justice. Elles s’accordent aux lois naturelles. L’empereur stoïcien Marc Aurèle résume bien cette doctrine lorsqu’il déclare : « La douceur est invincible ». Telle est la devise de celui qui pratique l’éthique des quatre vertus qui sont l’unique bien des êtres humains.
La santé, la richesse et le plaisir, ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes. Ils n’ont de valeur qu’en tant que « matériau sur lequel les vertus peuvent agir ». Quelles que soient les circonstances extérieures, « les vertus sont suffisantes au bonheur ». Ainsi, un sage est émotionnellement plus résistant aux malheurs.
Pour les Stoïciens, les émotions perturbatrices résultent d’erreurs de jugement. Il faut, sans passion, stabiliser l’esprit dans le calme mentale « en accord avec la Nature ». La meilleure indication de la qualité éthique d’un individu ne relève pas de ses paroles mais de son comportement et de ses actes au quotidien.
Le bien réside dans la stabilité de l’esprit, dans la sagesse et la maîtrise de soi. Il faut donc s’efforcer d’être libre de passions perturbatrices. Une passion perturbatrice est une force irraisonnée et trompeuse. En émergeant dans l’esprit, elle bloque l’usage de la raison.
Philosophie païenne
Les Pères de l’Église considéraient le Stoïcisme comme une « philosophie païenne ». Néanmoins, tout en la combattant, ils en empruntèrent certaines idées philosophiques : esprit, vertu, conscience… Quoi qu’il en soit, il y avait une opposition radicale entre les deux camps. Par la morale dogmatique, les chrétiens entendaient contraindre extérieurement le comportement des êtres, alors que l’éthique stoïcienne relevait du choix intérieur de l’individu, grâce à sa pratique des quatre vertus : sagesse, courage, tempérance et justice. Le Stoïcisme commencera à décliner après que le Christianisme soit devenu une religion d’État au IVe s. après J.-C.
La « divinité passive » dans le traité De la colère de Dieu
Les théologiens ont recherché, parmi les doctrines antiques qu’ils connaissaient, celles qui correspondaient le mieux à l’idée qu’ils se faisaient de la tradition à éradiquer. Ils ont suivi le raisonnement de l’apologiste chrétien Lactance (250-325), qui condamnait la philosophie des Epicuriens et des Stoïciens dans ses traités Institutiones Divinae (Les institutions divines) et De ira Dei (De la colère de Dieu). Nous pouvons résumer ces deux philosophies comme suit :
- La philosophie stoïcienne soutenait que l’univers était l’union de deux natures divines : passive et active. La divinité passive était la matière inerte en attente d’être utilisée. La divinité active était un éther igné et intelligent agissant sur la divinité passive.
- La philosophie épicurienne était divisée en deux courants : école réaliste et école idéaliste. L’école réaliste soutenait que les dieux sont des êtres physiques et immortels constitués d’atomes. Ils ne s’intéressent pas au monde matériel dans lequel ils ne jouent aucun rôle, demeurant dans un métacosmos au-delà du cosmos. L’école idéaliste soutenait que les dieux étaient semblables aux Idées de Platon.
Dans son traité De ira Dei (De la colère de Dieu), Lactance critique simultanément la divinité passive des Stoïciens et les divinités atomiques immortelles des Épicuriens. Il condamne les divinités païennes qui demeurent « dans un immobile repos et dans un stupide engourdissement ». C’est l’origine de la notion polémiste chrétienne des divinités fainéantes fabriquées par la propagande des théologiens pour les besoins de leur lutte contre le Paganisme :
« Mais, si Dieu n’a point de mouvement comme en ont tous les êtres qui ont la vie, s’il n’a pas un pouvoir plus étendu que celui des hommes, s’il n’a ni volonté, ni action, ni fonction, il n’est pas Dieu. Quelle plus digne fonction lui pourrait-on attribuer que celle de gouverner le monde, que celle de prendre soin des créatures qui ont le sentiment de la vie, et principalement des hommes, desquels dépend tout ce qu’il y a sur la terre ? De quelle béatitude pourrait jouir un Dieu qui serait toujours dans un immobile repos et dans un stupide engourdissement, qui est sourd pour ceux qui le prient et aveugle pour ceux qui l’honorent ? »
L’ère d’intolérance
Cette critique chrétienne tronque autant la notion de Dieu que l’accord que tout être peut avoir avec l’intelligence immanente en toute chose. Ainsi, l’accord avec l’intelligence divine ne peut se faire que par la discipline individuelle de la pratique des vertus. En purifiant ainsi le corps et la psyché alors dénuée de passions, il devient possible de comprendre les lois naturelles et célestes. Les chrétiens attribuent à Dieu des passions humaines que les Stoïciens s’interdisaient d’avoir en tant qu’hommes. Ils imposent la croyance aveugle au lieu de la raison, la morale au lieu de l’éthique individuelle, la colère au lieu de la tempérance, la trivialité fanatique au lieu de la sagesse, de la justice et de la tolérance. Cela ouvrira la voie aux pires cruautés, tortures et inhumanités au nom du Dieu unique colérique (De ira Dei) : suppression de la liberté de conscience par Théodose 1er et fermeture de l’Artémisium en 391, destruction de la bibliothèque d’Alexandrie en 415 et extermination des prêtresses dans tous les temples féminins du bassin méditerranéen.
Deux notions de « Dieu »
La foi aveugle et passionnée est naturellement aux antipodes du Stoïcisme. Mais plus profondément, au travers de la critique du Stoïcisme, les chrétiens visaient tout particulièrement les ordres sacerdotaux de la théocratie féminine dont la notion de « divinité » était étrangère à la leur. Dieux et déesses ont été des êtres nécessairement incarnés sur Terre. Du fait de leurs pratiques de purifications, de leurs enseignements posthumes et de leurs réalisations civilisationnelles, ces êtres ont été déifiés et président à la destinée des humains grâce au culte des ancêtres. Les théonymes de ces êtres sont à eux seuls des enseignements célestes. Ainsi, les panthéons sont constitués d’humains ayant atteint la plus haute réalisation spirituelle. Vouloir imposer un « Dieu » sans nom et combattre le polythéisme, c’est non seulement vouloir occulter ces réalités célestes multimillénaires mais aussi interdire à l’humanité le chemin de la réalisation. Le « Dieu » unique qui se voulait ange, se fait démon égrégorique, bloquant la voie des paradis célestes par son absolutisme infernal et vengeur.
L’adversaire est le diable
Le terme latin adversarius désigne l’adversaire, l’ennemi. C’est aussi un synonyme de diable. Adversarius est composé des mots advi et rosarius.
Le latin advi est une formule latine abrégée pour ad vitam æternam signifiant pour la vie éternelle.
Le latin rosarius désigne la guirlande de roses, dont on couronnait les vierges, et le rosaire fait des fruits du rosier. Le rosier était l’arbre auquel s’identifiaient les prêtresses d’Aphrodite.
Ainsi faut-il comprendre que l’adversarius des chrétiens est le « diable », à savoir le culte matriarcal de la déesse primordiale, qu’il faudra combattre de toute éternité. La réforme patriarcale chrétienne vise à bloquer éternellement (advi) les prêtresses en entravant toutes leurs actions par la discorde, la division et la calomnie. Il fallait aussi les forcer à aimer leurs contradicteurs et bourreaux. L’adversarius invoqué est donc le diable et qualifier une personne de ce nom, revient à l’attaquer, par projection infernale égrégorique.
Sorcellerie chrétienne
Le mot latin adversarius est une formule de sorcellerie utilisée dans les rituels chrétiens à l’encontre des prêtresses pour détruire l’action des récitations effectuées sur leur rosaire. L’énonciation ritualisée de ce mot est une invocation infernale pour déchaîner le diable sur ces femmes réalisées. Dès lors, on comprend mieux comment une « chrétienté terrible » a vu le jour. Elle vise toujours à soumettre la femme qui s’éveille au mâle et, par extension au mal. Le triste exemple de la férocité et des supplices cruels infligés à la reine Brunehilde, en 613, témoigne d’une inexpugnable haine à l’égard de toute théocratie féminine.
© R. Skotarek & F. Morin