FAKIR : François Hollande déclare qu’il va demander la renégociation du dernier traité européen. Vous avancez ceci : « François Hollande va avoir à naviguer à travers des forces dans la gauche, notamment à cause du référendum manqué de 2005. Dans cette perspective, il serait politiquement intelligent que ses pairs de l’eurozone, ses partenaires allemands, belges, italiens et ainsi de suite, permettent à François Hollande de prétendre qu’il leur a arraché quelques concessions, même si c’est faux. La demande de renégociation du traité serait alors utilisée pour tromper le public français, en lui faisant accepter des réformes convenables, dont celle du marché du travail ».
N.D. : Avant d’entrer dans le fond du sujet, je voudrais préciser un point : les gens de marché s’expriment de façon très directe. Donc le vocabulaire que j’ai pu choisir dans cette citation paraîtra peut-être excessif à beaucoup de vos lecteurs. Maintenant, on ne va pas s’embarrasser de finasseries. « Tromper » les électeurs français est peut-être un mot excessif, mais l’idée est de dire : ce sera une concession de façade que l’on fera à François Hollande et au « peuple français » entre guillemets, de façon à ce que tout le monde constate qu’à la fin des fins, les autres réformes sont indispensables – ces fameuses réformes structurelles dont personne ne veut entendre parler. « Tromper » les électeurs est peut-être un peu fort, je regrette qu’il soit traduit ainsi en français. Peu importe. Mais à défaut de les rouler, cela va leur permettre de peut-être prendre conscience q ‘il y a un certain nombre d’idées qu’ils ont en tête, qui ne peuvent pas marcher, même s’ils en sont convaincus. Ce que je suis en train de dire, c’est qu’il y a un petit théâtre dont le script est un peu écrit. Si on est malin, on ne s’écartera pas trop du script, et de cette façon-là on arrivera à faire passer la pilule de façon un peu plus simple que cela n’avait été le cas au début des années 1980.
FAKIR : Si l’on vous écoute, il y aura un sommet à Bruxelles. François Hollande demandera de rajouter au traité une partie sur la croissance. Les autres Européens vont faire genre « bon ben d’accord, on t’accorde ça ». Il rentrera en France en disant « regardez ce que j’ai obtenu », et du coup, il pourra dire derrière : « En échange, nous, on va libéraliser notre marché du travail ».
N.D. : Vous avez parfaitement compris le sens de mon propos : c’est une petite mise en scène… Il ne faut pas avoir l’impression que je fais de la théorie du complot et que tout le monde est manipulé. C’est simplement que l’électorat a un certain nombre d’idées préconçues. Elles sont peut-être fausses, mais ce sont les idées que l’électorat porte. Il y a de la pédagogie à faire…
Fakir n° 55 (en kiosque)