Les 440 réacteurs nucléaires existant sur la planète ont généré 345 000 tonnes de déchets nucléaires. Cette estimation fut faite en 2012 par l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique).
Une équation inévitable s’impose au pays le plus nucléarisé de la planète : les réacteurs français, conçus pour produire de l’électricité pendant 40 ans, génèrent aussi des déchets radioactifs dits de « haute activité » (HA), dangereux pour les humains pendant plus d’un million d’années. Rester sans protections, dix minutes à côté d’un fût dit de « haute activité » suffit pour recevoir une dose mortelle de radioactivité.
« Les déchets existent et il faut les gérer », souligne Gérald Ouzounian, responsable de la division internationale de l’agence en charge de la gestion des déchets nucléaires, l’Andra. Après avoir étudié plusieurs pistes pour ces déchets : « envoi dans l’espace », « stockage sous la calotte glacière », l’Andra s’est finalement orientée vers les entrailles de la terre à Bure en Meuse.
« On ne pourra pas retenir la radioactivité pendant des millions d’années. Il faut la limiter », dit Sébastien Farin, directeur de la communication de l’Andra, en désignant l’argile grisâtre dans lequel sont creusées des galeries, futures poubelles nucléaires à 500 mètres sous terre. Pour obtenir l’autorisation de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire), la structure devra ainsi être conçue pour résister un million d’années. Le tombeau sera refermé après une centaine d’années d’exploitation, et 10 000 m3 de déchets haute activité et 70 000 m3 de moyenne activité (MA-VL) seront confinés dans la roche.
Pour conserver la mémoire du site et avertir les générations futures du danger, les analystes de l’Andra étudient plusieurs pistes comme la construction d’une pyramide, d’un musée ou encore l’oubli.
« On ne sait pas ce que seront les civilisations d’ici quelques centaines ou quelques milliers d’années », explique Gérald Ouzounian, de l’Andra, soulignant qu’une protection active sur 10 000 ans ne peut être garantie aujourd’hui.
3 stockages souterrains, 3 catastrophes
- En Allemagne un « enfouissement expérimental de déchets faiblement radioactifs » a débuté en 1967. L’expérimentation a duré 11 ans, avec pas moins de 125 000 fûts de faible activité et 1 300 de moyenne activité. L’argument principal était que la roche (ici du sel) ne bougerait pas et serait hermétique pour des centaines d’années. Résultat : moins de 10 ans plus tard, en 1985, une solution saline venue de l’extérieur se répand dans la mine au rythme de 12 m3/jour et détruit irrémédiablement la mine de sel, corrodant et baignant les fûts au passage. Il est certain que la mine va s’effondrer rapidement. Aujourd’hui, l’incertitude règne et la plus grande crainte est la contamination de la nappe phréatique.
- Aux USA, l’unique centre de stockage de déchets nucléaires en fonctionnement au monde est arrêté par un accident survenu le 5 février 2014, seulement après 15 années d’exploitation. Un incendie avec problèmes de ventilation a entraîné l’intoxication de plusieurs travailleurs, et une fuite radioactive d’origine inconnue a été émise à la surface par un puits. 21 personnes du centre ont été contaminées, de la radioactivité a été détectée en dehors des zones de stockage. Il a fallu deux mois et demi pour atteindre la zone des déchets concernés.
- En Alsace, dans une mine de sel, ont été stockés de 1999 à 2002, plus de 44 000 tonnes de déchets chimiques hautement toxiques, à 550 m de profondeur. Arsenic, mercure, cyanure, amiante, etc. L’entreprise Stocamine, gestionnaire du site, jurait qu’il s’agissait d’un véritable coffre-fort géologique. Résultat : un incendie en profondeur déclaré en 2002, n’a pu être maîtrisé qu’au bout de deux mois. L’installation, en partie effondrée, a été fermée en 2004, plus moyen de retirer les déchets. L’intégrité de la nappe phréatique d’Alsace est menacée à terme. Rappelons que cette nappe s’étend sous la France, l’Allemagne et la Suisse.
Tous les essais d’enfouissements de déchets toxiques ou radioactifs se sont soldés en quelques années par des catastrophes écologiques dont on ne peut encore mesurer l’ampleur. Comment prendre au sérieux dans ces conditions des agences de sûreté nucléaire qui avancent pouvoir garantir des sites un million d’années ? !
Sites d’info sur Bure : http://burestop.free.fr – www.villesurterre.eu