Après le fiasco de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 et face à la réticence de plus en plus prononcée des français à se faire vacciner, la Cour des Comptes s’est penchée, à la demande des parlementaires, sur la stratégie nationale de vaccination.
Après avoir rappelé en préambule que la vaccination « a été un outil essentiel de la disparition dans notre pays des grandes pandémies qui ont marqué le passé », la Cour des Comptes a rendu publique en février 2013 son rapport déplorant le manque de cohérence de la politique vaccinale française. Les résultats sont poliment qualifiés de « contrastés » au regard des 400 millions d’euros dépensés chaque année par la collectivité pour rembourser ces vaccins. Les objectifs vaccinaux établis dans une perspective quinquennale, en annexe de la loi de santé publique du 9 août 2004, ont été définis « de manière trop uniforme et leur degré de réalisation a été décevant dans le cadre national comme au regard des comparaisons internationales ». L’objectif de couverture de 95 % de la population générale n’a été que « partiellement évaluable ».
Mise en place d’un carnet électronique avant la biopuce
Afin de renforcer l’efficacité des recommandations vaccinales, la Cour des Comptes propose la mise en place rapide d’un carnet de vaccination électronique « interfacé, le cas échéant, avec le dossier médical personnel ». Il permettrait à la fois de mieux suivre les taux de couverture vaccinale mais aussi d’accéder facilement aux évolutions des recommandations des autorités sanitaires, de notifier aux Français leurs rappels de vaccins par mail ou SMS.
Vaccinations en milieu scolaire et dans les centres d’assurance maladie
Face à la couverture vaccinale insuffisante notamment contre la rougeole chez les adolescents, les jeunes adultes et les catégories défavorisées, la Cour des Comptes propose — plutôt qu’une gratuité généralisée — d’habiliter les centres d’examens de santé de la sécurité sociale à pratiquer des vaccinations. « De même, la généralisation des vaccinations en milieu scolaire constitue le seul moyen de toucher la masse des populations adolescentes ».
Communication plus active sur les réseaux sociaux
La Cour des Comptes pointe également une autre difficulté très hexagonale : la vaccination contre l’hépatite B, qui cristallise encore aujourd’hui une bonne part de la défiance des Français envers les vaccins, même si la part des enfants de 2 ans immunisés contre le virus de l’hépatite B est passée depuis 2008 de 30 % à 66 %. Le rapport ne fait cependant pas état de l’abandon de la commercialisation du vaccin DTP remplacée par le DTP combiné systématiquement aux vaccins hépatite B et Haemophilus dès 2008.
Pour la Cour des Comptes il est indispensable de mettre en place une communication plus active « finement conçue » afin de contrer « le discours anti-vaccinal qui se développe sur les réseaux sociaux » tandis que la communication officielle est éparpillée entre de multiples mini sites événementiels, « l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé ayant « très peu de moyens » pour ses campagnes. La limitation des moyens publics ne permet pas de faire facilement l’économie d’une mobilisation des ressources des firmes pharmaceutiques, malgré les difficultés réelles qu’elle recèle »…
Le renforcement du contrôle des messages publicitaires devrait mieux permettre aux autorités sanitaires de « s’assurer qu’ils contribuent à la mise en œuvre des recommandations vaccinales, par la mise en œuvre d’études d’impact préalables à leur visa ». Aucune critique cependant sur les campagnes publicitaires télévisées agressives, culpabilisantes et mensongères des laboratoires concernant la vaccination contre le cancer du col ou celle de l’hépatite B.
Mise en lumière de choix contestables ne tenant pas compte de l’amélioration du service médical rendu (lequel n’a pas été évalué)
En soulignant la « surallocation de moyens », la Cour remarque que la prise en charge à 100 % des vaccins contre la grippe saisonnière et la rougeole ne produit pas les résultats escomptés en terme de couverture vaccinale.
Elle critique également le prix de la vaccination contre le papillomavirus (près de 400 euros pour les 3 doses recommandées aux jeunes filles) soulignant que, parmi les deux stratégies possibles contre le cancer du col de l’utérus, seule la vaccination a été suivie malgré les recommandations réitérées du Comité technique de vaccination (CTV) et de la Haute Autorité de santé (HAS) en faveur du dépistage organisé – qui avait permis seul une régression de sa fréquence de 90 % en trente ans, ce que ne rappelle pas la Cour – avec pour conséquence des coûts financiers plus élevés pour la collectivité.
Si le maintien de l’obligation vaccinale en population générale constitue toujours le moyen le plus économique d’obtenir des taux de couverture vaccinale suffisants pour atteindre les immunités de groupe, le principe de la recommandation est cependant de plus en plus souvent préférée à l’obligation. Cette coexistence de vaccinations obligatoires et recommandées peut, de surcroît, induire dans l’esprit du public un doute sur l’opportunité des secondes, doute d’autant plus fondé que les régimes d’indemnisation des deux catégories de vaccins diffèrent, le bénéfice de l’intervention de l’Etat étant réservé aux premiers. Pour lever les éventuelles ambiguïtés résultant de la dualité des régimes juridiques de la vaccination, l’uniformisation de l’indemnisation paraît donc opportune pour la Cour des Comptes.
Une « expertise » dépourvue de tout contradictoire
Travaillant de façon collégiale, la Cour des Comptes, sans aucune compétence scientifique ou médicale, a auditionné 44 personnes dont notamment les présidents du Comité technique des vaccinations et de la Commission « Maladies transmissibles » du Haut Comité de santé publique, les professeurs Floret et Perronne dont les liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique n’ont pas été demandés. L’expertise de la Cour des Comptes avait pour seul objectif d’optimiser la politique vaccinale qui ne peut être remise en question.
La contradiction était d’ailleurs absente, Mme Lévy-Rosenwald, conseillère maître, énarque, contre-rapporteur, brillant par son silence. Car, comme le reconnaît Antoine Durrleman, l’un des présidents de chambre qui sera entendu ultérieurement par le Sénat, si elle « manque souvent de cohérence et de continuité » et « est soumise à des pressions diverses », la politique vaccinale a « besoin d’un nouveau souffle »… sans évoquer le profit des laboratoires omniprésents dans la chaîne de décision !
Dans son analyse du budget de la sécurité sociale, la Cour des Comptes avait pourtant reconnu en septembre 2001 que « la politique du médicament était inféodée aux lobbies pharmaceutiques »… Les « pressions diverses » et autres liens d’intérêt n’ont pas été étudiés par la Cour des Comptes, bien que l’analyse économique et financière soit son domaine de compétence. Les clubs et autres cercles Hippocrate ou de l’Avenir, financés par Big Pharma, ont cependant largement gangrené nos élus de tous bords, sans compter les immuables hauts fonctionnaires des ministères…
La Cour serait-elle devenue dix ans plus tard sensible aux sirènes de Big Pharma, tout comme un certain Cahuzac, longtemps très proche de Daniel Vial, le maître de ce lobbying.
La volonté de transparence politique ne serait-elle qu’illusion ?
Docteur Marc Vercoutère,
Morphéus n° 57, mai 2013