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L’article de Xavier Michel relatif au Suaire de Turin paru dans Nexus n° 70 de septembre 2010, a suscité quelques remarques dans la rédaction Morphéus. N’y a-t-il pas des pistes demeurées inexplorées dans ce dossier ? Nous souhaitons en évoquer quelques unes en complément de ce qui fut dit par notre confrère.

  1. Les bras d’un mort à cause de la rigidité cadavérique, ou à cause d’absence de résistance musculaire, ne peuvent être positionnés au niveau du pubis. Allongez-vous, mettez vous dans la position du Saint Suaire, et détendez vos muscles. Vous verrez qu’un homme allongé et qui plus est décédé, ne peut être maintenu dans cette position. Il est souvent difficile de mettre les mains d’un défunt croisées sur son plexus solaire, alors sur le pubis, n’y pensez pas ! Il s’agit donc ici de la posture naturelle d’un homme debout, fermant les yeux. Il est nu, bras détendus et ses mains couvrent naturellement son pubis (la pudeur n’est pas l’apanage des défunts). S’il avait mis ses mains croisés sur le plexus solaire, debout, il n’aurait pas eu une posture naturelle. La tension musculaire pour se maintenir ainsi eut été perceptible. Qui plus est, son organe eut été visible…

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  1. La trace laissée sur le linceul pose problème aussi. Si ce linceul entourait un corps, alors la trace laissée serait plus large comprenant l’épaisseur du corps. Or, ici nous sommes en présence d’une impression à plat, comme si ce linceul était tendu lors de l’impression. C’est un problème de taille.
  2. L’image est bien une image négative. L’être représenté avait donc la barbe blanche, la moustache blanche et des cheveux blancs, ce qui est incompatible avec l’âge présumé du Christ.
  3. L’idée que la photo n’était pas possible avant le 19ème siècle est assez fragile. La sérigraphie indienne utilisant des fixateurs pour les tissus, a sans doute des milliers d’années. L’usage courant, par Michel Ange, de la Caméra Obscura au XVIe siècle laisse à penser que les arabes au XIIIe siècle transmirent des connaissances à l’Occident dans ce domaine. Aristote lui-même connaissait déjà ce procédé et ses premiers textes furent traduits de l’arabe en latin au  XIIIe siècle. Par ailleurs, les alchimistes arabes connaissaient des procédés photosensibles avec des nitrates d’argent, l’usage du borax, génol, hydroquinole ou sulfite de soude, comme révélateurs et des équivalents de l’hyposulfite de sodium comme fixateur pour des impressions de tissus. Il faut sans doute remonter à Sumer et à l’ancienne Égypte pour retrouver les origines de ces connaissances seules connues des alchimistes par la suite. Les premières connaissances en Europe des premiers procédés photosensibles et de la Caméra Obscura vinrent vraisemblablement avec Léonard de Pise dit Fibonacci, aux environs de 1200. Toujours est-il que c’est à partir de cette époque que les moines de la vieille Europe se mirent à apprendre l’arabe pour découvrir un univers scientifique méconnu de l’Occident jusqu’alors. Firent-ils des expériences pour vérifier certaines données ? Très certainement ! Les textes arabes leur donnèrent-ils les connaissances nécessaires pour tenter une expérience avec des éléments photosensibles associés à une Caméra Obscura ? C’est tout à fait vraisemblable !
    Ayant appris des arabes à utiliser le nitrate d’argent, des révélateurs alcalins et des fixateurs ancestralement connus, l’opération devait techniquement être réalisable. Il leur suffisait d’imprégner un grand drap de lin d’un liquide photosensible, tendu dans une Camera Obscura. Un sujet immobile debout avec un fond noir posait en pleine lumière solaire. Un trou au centre de la chambre noire était libéré pour impressionner le lin. Une fois l’opération terminée la partie du lin impressionnée était plongée dans un révélateur type borax plusieurs heures, puis fixée dans un bain fixateur un jour ou deux. On doit ainsi obtenir un véritable négatif à plat répondant rigoureusement à la configuration du Suaire de Turin. Il suffisait ensuite de refaire la même opération avec la moitié du drap non utilisée pour faire la photo du dos de l’individu. Le suaire de Turin s’apparente vraiment à un négatif à plat de ce type. Il est très étonnant qu’aucun chercheur à ce jour n’ait tenté de reproduire un tel effet sur un drap de lin tendu avec une Caméra Obscura, et des éléments chimiques tels qu’ils pouvaient être connus au XIIIe siècle.
  4. Les pollens de Méditerranée orientale retrouvés sur le Suaire de Turin sont logiques selon notre hypothèse de travail. Qu’avaient les moines traducteurs d’arabe au XIIIe siècle, sinon des montagnes de livres arabes provenant de l’ensemble du bassin méditerranéen ? Ces ouvrages portaient nécessairement des pollens de plantes n’existant pas en Europe. Et qui, à part ces moines pouvaient au XIIIe siècle tenter des expériences sur les nouvelles connaissances acquises avec des draps de lin, qu’en outre ils fabriquaient eux-mêmes ? Tout peut s’expliquer sous cet angle.
  5. La présentation du linceul en 1357 comme linceul du Christ, pouvait très bien être cette impression faite à titre expérimental par des moines. Puis ensuite, elle a pu être agencée, maquillée pour faire croire à une relique. Tentez de faire la différence entre une trace d’eau ferrugineuse et une tache de sang sur du lin !
  6. Une datation au carbone 14 du tissu donnant 1260-1390 est cohérente également pour notre hypothèse de travail.

Enfin tout cela nous amène à penser que beaucoup de pistes n’ont pas été explorées concernant le Suaire de Turin. Le débat public a tourné court entre croyants et incroyants, omettant le bon sens et la connaissance des deux côtés.

Quoi qu’il en soit les hommes de foi n’ont besoin ni de reliques, ni de mystères, ni de miracles. Seules les institutions religieuses, pour s’imposer à leurs fidèles, ont besoin d’artefacts.

Frédéric Morin