« Dans un pays comme la France, le système monétaire est construit à deux niveaux. Pour caricaturer, vous avez le mont Olympe, avec Zeus au sommet. C’est la représentation de la Banque centrale européenne. En bas du mont Olympe, vous avez les dieux. Ce sont les banques. Et puis, vous avez dans la plaine de la Grèce antique, les citoyens : vous et moi.
« Les dieux et Zeus, qui est le dieu des dieux, échangent entre eux avec une monnaie, que vous et moi n’avons jamais vue, et qui s’appelle la monnaie banque centrale. Cette monnaie n’arrive jamais dans l’économie réelle, donc elle n’arrivera jamais dans votre poche et sur votre compte bancaire. Elle est piégée dans ce qu’on appelle le marché interbancaire. Elle sert à réguler les transactions entre les banques et avec la Banque centrale européenne.
« De fait, quand on dit : la Banque centrale européenne imprime des milliers de milliards, en fait c’est de l’argent numérique créé par la banque centrale. Cette opération ne lui coûte rien parce que c’est une pure opération d’écriture, juste un peu d’électricité pour faire fonctionner l’ordinateur. Il faut simplement payer la personne qui tape sur un clavier.
« Cet argent là autorise les banques (les dieux du mont Olympe) à discuter avec les humbles mortels que nous sommes et qui n’ont pas le pouvoir de création monétaire.
« Lorsque je vais voir mon banquier et que je lui demande un emprunt pour acheter, par exemple un appartement, que fait le banquier ? II ne va pas voir dans les sous-sols de la banque s’il a suffisamment de billets de banque pour me les prêter. II va regarder si je suis solvable et si c’est intéressant pour lui de créer de la monnaie ex-nihilo pour moi. Finalement, cela ne lui coûte rien. Par conséquent, s’il oppose un refus, c’est la traduction que je ne suis pas un client intéressant pour lui. Soit il estime que je ne suis pas solvable, soit il estime que, pour me prêter, il va devoir recourir à un taux d’intérêt qui ne l’intéresse pas.
« Une banque est une institution financière qui a reçu de Zeus le droit régalien de créer de la monnaie à partir de rien ».
Timothy Snyder
dans The Road to Unfreedom
Analyse
Si l’on y regarde de plus près, le banquier a l’équivalent d’un « droit divin » qui lui permet d’orienter toute l’organisation politico-économique terrestre en fonction des intérêts de sa caste. Il décide arbitrairement de, qui vivra économiquement et qui mourra. Ce type de « droit divin » exige une sagesse et de très hautes qualités humaines pour ne pas nuire aux humbles que nous sommes. Or, de sagesse, il en est dénué. Quant à sa qualité intrinsèque, elle s’apparente plus à une psychopathologie démiurgique qui nie jusqu’au droit de vivre des humbles.
Le « droit divin » de créer monnaie à partir de rien est absurde. Il doit être aboli le plus rapidement possible. On ne peut laisser un tel pouvoir à des structures parasites qui ne produisent aucune richesse et qui vampirisent littéralement toute l’économie réelle de la planète.
Repenser la création monétaire sans banquier
Un banquier prête de l’argent qu’il n’a pas à des individus en capacité de créer des richesses à hauteur du prêt accordé (plus les intérêts). La seule chose tangible et réelle dans cet échange est le potentiel de création de richesse d’un individu. Alors, supprimons le pouvoir arbitraire du banquier parasite et établissons sans lui, la valeur du potentiel de richesse d’un individu.
Si un employé touche en moyenne 2 000 € par mois sur une durée de 40 ans, cela représente un potentiel de création de richesse d’un million d’euros pour toute une vie. Au lieu de créer de l’argent à partir de rien, créons l’argent à partir de cette richesse potentielle indexée sur 40 années de travail. Ainsi, chaque citoyen, dès sa majorité, se voit crédité d’un million d’euros. L’ensemble des citoyens majeurs d’une nation constitue ainsi une réserve monétaire citoyenne décentralisée.
La création monétaire indexée sur la vie représenterait pour un pays comme la France une réserve monétaire de 40 000 milliards d’euros. Un tel système de création monétaire est bien plus logique et tangible que la création monétaire ex nihilo des « dieux de l’Olympe ». Chaque citoyen vaut un million d’euros : c’est une donnée tout à fait raisonnable. Au lieu de mettre le curseur de valeur sur le « vide », on l’indexe sur le potentiel d’une vie.
Nouvelles organisations potentielles
Il peut être convenu que la somme versée à chaque citoyen à ses 18 ans, soit pour 50 % destinée aux besoins individuels immédiats : achat d’un logement, d’un véhicule, etc. Pour les 50 % restant, l’argent doit être dépensé pour des besoins collectifs.
Supposons qu’il faille une usine à thorium pour détruire des déchets nucléaires, type uranium et plutonium, qui mettent en péril certaines régions. Un comité citoyen présente le projet et estime le budget à 500 millions. Chaque citoyen est une partie de la réserve monétaire. Une « votation financière » est alors réalisée. Si le montant atteint les 500 millions, l’usine à thorium verra le jour. Notons qu’une telle somme est bien peu de chose par rapport à une réserve de 20 000 milliards d’investissements collectifs.
Chaque citoyen étant une partie de la réserve monétaire, il ne peut que s’impliquer toujours plus dans la vie collective. Un tel dispositif met un terme à toute classe politique parasite devenue inutile. Elle est remplacée par des comités citoyens temporaires financés par votation. Ce dispositif met également un terme à tout lobbying possible.
Ceci est une approche très succincte et grossière qui demande à être développée. Mais on constate que le système monétaire actuel est mort, l’organisation politique actuelle est nocive, le système économique est mortifère et les techno-idéologies sont des impasses. À terme, il faudra bien faire table rase de tout, c’est inéluctable. Repenser l’organisation de la vie sur Terre est une tâche à laquelle nous allons tous devoir nous atteler un jour ou l’autre.
Frédéric Morin
Morphéus n°109, janvier 2022